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La COP21 financée par des champions des énergies sales ?
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Rhodo_ConfPollueurs
Repost du blog de Maxime Combes sur Mediapart

Le gouvernement français souhaite que 20% de la facture totale de l’organisation de la Conférence internationale de l’ONU sur le réchauffement climatique qui se tiendra à la fin de l’année à Paris soit financée par des entreprises privées. Plusieurs champions des énergies sales et du lobby contre la transition énergétique seraient sur les rangs, ainsi que d’autres multinationales apôtres du greenwashing.

(ce texte a été modifié vendredi 17 avril suite à un démenti de Pierre-Henri Guignard, secrétaire général de la COP21, portant sur les entreprises BMW, Vattenfall et New Holland Agriculture – aucun démenti n’a été reçu sur Suez et LVMH)

Le gouvernement a évalué le budget total de l’organisation de la COP21 (location et aménagement du lieu, sécurité, communication etc) à 187 millions d’euros. Depuis le début, il est prévu de faire appel à des financements privés. Rapidement le gouvernement et l’équipe en charge de préparer la conférence ont fixé un objectif de 20% de financements privés, venant des entreprises, françaises et étrangères. Choix extrêmement discutable en soit, puisqu’il n’existe aucune entreprise prête à débloquer des financements sans obtenir un retour sur investissement, notamment en termes d’image. Ce faisant, le gouvernement instrumentalise une conférence d’intérêt général pour satisfaire les intérêts particuliers de quelques entreprises. Le tout pour quelques millions d’euros qu’une grande puissance économique telle que la France devrait pouvoir trouver pour financer une “conférence historique”, selon les termes de François Hollande, quitte à réduire les cadeaux fiscaux qui sont octroyés aux entreprises.

Le choix de confier le financement d’une partie de la conférence de l’ONU sur le dérèglement climatique à des entreprises privées et donc un choix idéologique clairement marqué, qui n’est en rien dicté par des obligations pragmatiques, et qui ne peut que renforcer la main-mise du secteur privé sur ce type de conférence.

A plusieurs reprises, les équipes du gouvernement ont indiqué, souvent en Off, qu’elles seraient extrêmement attentives à ne pas accepter de financements d’entreprises privées qui ne soient pas clairement engagées dans la lutte contre les dérèglements climatiques, et qu’il n’était pas question d’accepter le financement d’entreprises qui soient identifiées comme à la source des dérèglements climatiques.

Depuis quelques semaines, les choix du gouvernement seraient arrêtées et les entreprises choisies. Des conventions seraient en cours de signature, mais rien n’avait jusqu’ici filtré (à notre connaissance).

Jusqu’à ce que nous lisions ce jeudi 16 avril, chez Europe1 (voir également ici une capture d’écran), que les entreprises allemande BMW, suédoise Vattenfall, italienne New Holland Agriculture et françaises Suez Environnement et LVMH, seraient de la partie. Depuis Europe1 a modifié son article et retiré les noms de BMW, Vattenfall et New Holland Agriculture suite à un démenti de Pierre-Henri Guignard, secrétaire général de la COP21. Ces multinationales, championnes des énergies sales (voir ci-dessous) ne sont les sponsors que du Sustainable Innovation Forum (SIF), événement organisé par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) à Paris en décembre, en marge de la COP21 et dont le site a pour adresse http://www.cop21paris.org/. La contribution des multinationales Suez Environnement et LVMH au financement de la COP21 n’a pas été démentie (à notre connaissance). Raison pour laquelle les passages de cet article sur BMW, Vatenfall et New Holland Agriculture sont déplacés, pour information, en fin de message, et que le titre initial de cet article (rédigé sous forme interrogative) a été modifié.

Ni Suez environnement, ni LVMH ne satisfont aux critères d’entreprises qui pourraient être jugées relativement cohérentes avec les objectifs de lutte contre les dérèglements climatiques. Explications :

Suez Environnement

Construite autour du noyau historique de la Lyonnaise des Eaux, Suez environnement est aujourd’hui le deuxième groupe mondial de services liés à l’environnement (essentiellement eau et déchets) derrière Veolia, l’autre géant français du secteur. Dans les années 1990, Suez environnement avait été à l’avant-garde de l’offensive des géants français de l’eau dans les pays du Sud. Elle fait encore aujourd’hui l’objet de vives critiques dans nombre de ses régions d’implantation, de la France à l’Australie, en passant par le Maroc et l’Inde, aussi bien dans le secteur de l’eau que des déchets (source : Observatoire des multinationales) : Suez vient ainsi de faire condamner l’Argentine à payer 400 millions d’euros pour avoir renationalisé le service de l’eau de Buenos Aires en 2006 (lire l’article), dans le cadre d’un arbitrage investisseur-Etat. Suez environnement n’a pas non plus hésité à se jeter sur les privatisations forcées opérées ces dernières années en Grèce (lire l’article). Mieux encore, Suez environnement se positionne aujourd’hui comme un leader mondial du traitement des eaux polluées issues de l’exploitation du charbon (lire ici) ou des gaz de schiste (lire ici). Et Suez Environnement figure parmi les membres de la nouvelle structure de lobbying des entreprises françaises pour le gaz de schiste, le Centre pour les hydrocarbures non conventionnels (lire ici). Si Suez environnement n’exploite pas directement d’énergies fossiles (ce qui n’est pas le cas de GDF-Suez, qui détient 36% de Suez Environnement), elle intervient comme fournisseur de services pour le traitement des eaux polluées par ces activités. Ce faisant, Suez Environnement justifie ainsi des exploitations nocives pour l’environnement et le climat menées par d’autres multinationales. Elle favorise ainsi la poursuite de l’extraction d’énergies fossiles, pourtant contraire aux exigences climatiques. Preuve, s’il en était besoin, que l’environnement est pour Suez Environnement un secteur économique à part entière dont il faut savoir tirer profit. Pas un bien commun qui devrait être géré collectivement et protégé. Suez Environnement n’est donc pas un champion du climat ni de la transition énergétique.

LVMH

LVMH n’est pas un producteur d’énergie fossile et n’a pas, à notre connaissance, d’intérêt direct dans le secteur. Ce qui n’en fait pas pour autant une entreprise “climato-compatible”, terme utilisé par les autorités françaises pour les entreprises qui vont financer la COP21. LVMH fait partie des multinationales françaises championnes de l’évasion fiscale, comptant plus de 200 filiales dans les paradis fiscaux, dépassées par la seule BNP Paribas (lire l’article). Ils profitent des centres offshore pour délocaliser leurs marques et les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés. Le manque à gagner des Etats ese compte en centaine de milliards d’euros, des sommes qui ne sont ensuite pas disponibles pour financer la transition énergétique et la lutte contre les dérèglements climatiques. LVMH en porte sa part de responsabilité. Par ailleurs, le luxe, l’objet même de cette multinationale, ne peut-être climato-compatible : les activités de vins et spiritueux, mode et maroquinerie, parfums et cosmétiques, montres et joaillerie, qui sont le coeur de métier de LVMH, entretiennent une consommation insoutebale, celle des populations les plus riches, le plus souvent, qui sont des consommations ostentatoires dont il faudrait se passer pour lutter efficacement contre les dérèglements climatiques. Par ailleurs, en soutenant le travail du dimanche (lire l’article), en exploitant des salariés peu protégés – y compris en Europe – (lire l’article) et en étant une des multinationales les plus inégalitaires qui existe (lire l’article), LVMH est une multinationale très éloignée des comportements vertueux attendus de ce que serait une multinationale championne du climat ! LVMH n’est donc pas un champion du climat ni de la transition énergétique.

Si le gouvernement venait à confirmer ces informations – qui n’ont pas été démenties à notre connaissance – il ferait donc le choix de confier le financement de la COP21, cette conférence “historique” supposée aboutir à un accord ambitieux pour le climat, à des faussoyeurs du climat, à des multinationales qui font partie du problème, et non de la solution.

Ce serait un signe extrêmement négatif et inacceptable que ne manqueront pas de dénoncer les organisations de la société civile.

Maxime Combes, Economiste, membre d’Attac France et de l’Aitec.

Voici ce que nous avions écrit sur BMW, Vatenfall et New Holland Agriculture , multinationales qui sont, par ailleurs, partenaires d’une initiative du PNUE qui se déroulera pendant la COP21 autour des “innovations soutenables” (sic) (et dont le site internet s’arroge le nom cop21paris.org)

BMW

BMW, en plus d’être un constructeur d’automobiles (ce qui n’est pas le bien de consommation qui est naturellement associé à la transition énergétique et à la lutte contre les dérèglements climatiques) est très impliqué dans le lobby européen des constructeurs qui s’est fortement mobilisé contre le renforcement de la directive européenne visant à améliorer l’efficacité énergétique des véhicules. Selon cet article du Guardian, BMW s’est fortement mobilisé pour que les normes d’émissions des véhicules ne soient pas renforcées. BMW n’est donc pas un champion du climat ni de la transition énergétique.

Vatenfall

Vatenfall est une entreprise de production et de distribution d’électricité suédoise, appartenant en totalité à l’État suédois et l’une des plus puissantes multinationales de l’énergie en Europe. Si son nom signifie “chute d’eau”en suédois, et si elle est souvent associée à la production hydroélectrique, 45 % de la production électrique de Vattenfall est issue de l’énergie fossile, 33 % de l’énergie nucléaire, 21 % de l’énergie hydraulique, 1 % de l’éolien et de biocarburants. Voilà donc une entreprise qui utilise majoritairement des énergies sales pour produire de l’électricité. Vatenfall est d’ailleurs l’une des cibles privilégiées par l’association 350.org à l’échelle européenne, notamment parce que l’entreprise prévoit d’étendre son exploitation de charbon en Allemagne (lignite dans la région de Lausitz). Rappelons également que Vatenfall mène une intense bataille juridique contre la décision de l’Allemagne de fermer ces centrales nucléaires, lui réclamant plus de 3,7 milliards d’euros, dans le cadre d’un arbitrage investisseur-Etat qui mine la démocratie et la souverainté populaire. Vattenfall n’est donc pas un champion du climat ni de la transition énergétique.

New Holland Agriculture

New Holland a été créée en 1895 en Pennsylvanie et a toujours fabriqué des machines agricoles. Elle a été rachetée par Fiat, autre constructeur automobile, au début des années 1990, et est, aujourd’hui, un des deux principaux constructeurs au monde de matériel agricole. Et il ne s’agit pas vraiment de matériel agricole destiné à l’agroécologie paysanne. New Holland ne cesse de proposer et de vendre du matériel plus puissant, contribuant à l’industrialisation de l’agriculture aux quatre coins de la planète. Sous couvert d’engagements pour le climat, New Holland promeut en fait le maintien de son activité industrielle et l’industrialisation de l’agriculture, dont on sait par ailleurs qu’elle est source d’émissions de gaz à effet de serre conséquentes. New Holland est également impliqué dans les initiatives autour de l’agriculture climato-intelligente (voir ici) qui, selon Attac France et la Confédération Paysanne, revient à livrer l’agriculture à “la finance carbone et aux multinationales”. New Holland Agriculture n’est donc pas un champion du climat ni de la transition énergétique.

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